skip to Main Content

Réglementation, solutions techniques, lieux à forte densité humaine… Pourquoi la ventilation doit évoluer – ThermPresse n° 1178 – 30 mai 2023

Réglementation, solutions techniques, lieux à forte densité humaine…

Pourquoi la ventilation doit évoluer ?

La crise sanitaire a montré l’importance de la ventilation pour le confort et la santé, mais aussi dévoilé ses limites, ses dysfonctionnements et sa réglementation désormais dépassée. Voici un rappel de ses fondamentaux, un décryptage de sa réglementation et des propositions d’amélioration de Serge Bresin, Président du Snefcca Ile-de-France(1) et de la société Conditionair(2), pour renforcer les bienfaits de la ventilation et traiter les lieux à forte densité humaine.


(1) Syndicat National des Entreprises du Froid, d’Equipements de Cuisines Professionnelles.
(2) Spécialisée, depuis 1963, dans le traitement de l’air, le froid, les salles propres et le séchage de surface.

Serge Bresin - Président de Conditionair


Les 2 principes

« La ventilation a pour objectif d’améliorer la qualité de l’air à l’intérieur (QAI) des bâtiments et des moyens de transport.

Elle utilise deux principes :

  • L’extraction d’air dans les lieux où il peut être nocif ou tout simplement désagréable (odeurs) tels les pièces humides ou les lieux d’activité comme les ateliers comprenant les postes à souder.
  • L’introduction d’air “neuf” ou extérieur pour obtenir une dilution des contaminants générés à l’intérieur par les personnes, le mobilier (COV), les activités… En plus de la dilution, on peut améliorer la qualité d’air soufflé avec de la filtration.

L’application simultanée de ces deux principes permet d’obtenir des avantages intéressants :

  • Pas de compensation d’air extrait par de l’air froid en hiver, en récupérant sur l’air extrait 50 à 90% de la chaleur nécessaire pour réchauffer l’air neuf introduit.
  • Une plus grande efficacité de la dilution de l’air pour une meilleure qualité de l’air intérieur.
  • Une filtration et purification de l’air neuf permettant d’obtenir un air encore plus sain. Sur le plan technique, les solutions existent et permettent de mieux concilier la qualité de l’air et les économies d’énergie. La ventilation double flux est, ainsi, devenue une pratique plus courante et le standard de la RE2020 en construction neuve.

Une règlementation à réactualiser

3 textes gèrent les systèmes de ventilation avec des conséquences parfois néfastes sur son efficacité.

  • Logement

« Si les solutions techniques ont progressé, il n’en va pas de même de la réglementation ventilation des logements qui vient de fêter ses 41 ans, probablement un record de longévité dans le secteur du bâtiment. Cette règlementation de 1982 préconise :

  • Une extraction d’air dans les pièces humides : salle de bain, WC…
  • L’ouverture des fenêtres pour aérer les autres pièces : séjour, chambres…

La règlementation participe donc à la détérioration du bilan thermique en préconisant une entrée d’air froid. Elle ne tient, également, aucun compte des améliorations obtenues avec la ventilation “double flux” et la filtration. »

  • Etablissements recevant du public (ERP)

« Sur ce type de bâtiment, l’approche n’est pas simple pour gérer la ventilation, compte tenu des exigences de la classification ERP. La priorité est donnée au désenfumage. Et s’agissant de la QAI, l’obligation d’introduction d’air neuf est rarement appliquée. Il suffit d’aller voir dans les commerces autour de chez vous pour le constater. Toutefois, les extractions d’air dans les pièces humides sont généralement mises en place. »

  • Code du travail

Cette réglementation prend en compte les cas suivants :

  • Local “aveugle” ou sans “ouvrants” : en sous-sol ou en l’absence de fenêtre. L’introduction d’un débit d’air neuf (25 m3/h par personne) est obligatoire.
  • Locaux de restauration, de vente et de réunion… où le nombre de personnes est souvent important. L’introduction d’un débit d’air (30 m3/h par personne) est requise.
  • Autres locaux ou atelier avec un travail physique : l’introduction d’un débit d’air (45 à 60 m3/h par personne) est demandée.

« Ce balayage de la réglementation existante démontre l’importance des textes dans les solutions prescrites et installées. Et il faut absolument les réactualiser pour qu’ils deviennent porteurs de l’évolution des techniques et des solutions pour améliorer la qualité de l’air intérieur et réaliser des économies d’énergie. Il est de l’intérêt de tous que la réglementation soit le moteur de l’innovation comme ce fut le cas pour les réglementations thermiques, si on veut améliorer la qualité de vie, participer à la transition énergétique et se prémunir contre les polluants. »

Les perspectives, suite à la crise sanitaire

Avec le COVID, les usagers ont pris conscience des bienfaits que pourraient leur apporter une bonne ventilation. Les attentes se sont développées et le recours à la ventilation est devenu une valeur partagée. De plus, la ventilation se doit, comme toutes les autres activités, de procéder à sa transition énergétique notamment via la récupération de chaleur et la régulation.

Qu’en est-il sur le terrain ?

A l’étranger, on observe en Europe du Nord de grande avancées avec l’utilisation de la ventilation « double flux » qui permet de souffler de l’air neuf dans le chambres, pour les désaturer en CO2 dans le séjour, pour diluer les contaminants générés par les occupants.

Aux Etats-Unis, l’ASHRAE(1) préconise l’emploi de filtres absolus sur les flux d’air introduits et également de lampes UVc à l’intérieur des gaines. En France, une association de filière, l’Association Française de la Ventilation, a été créée pour dynamiser ce secteur. Elle a récemment signé un Green deal avec l’ADEME et le Plan Bâtiment Durable.

(1) American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers

Le cas des lieux à forte densité humaine

« Dans le cadre des améliorations nécessaires, il conviendrait, également, de porter une attention particulière au cas des « lieux à forte densité humaine ». Il s’agit des salles de classe, de spectacle, des auditoriums … et des moyens de transport collectif (avion, train, autocar …). En fait, l’introduction, même filtrée, et l’extraction d’air ne sont pas suffisantes dans ce cas de figure. Pourquoi ? Les particules contaminantes se transmettent d’une personne à l’autre en suivant les mouvements d’air, à l’intérieur. Il s’agit de prendre en compte un élément supplémentaire : le schéma aéraulique. Il s’agit de visualiser précisément les mouvements d’air pour analyser s’ils contribuent ou non à la transmission de contaminants d’une personne à l’autre. Par exemple, dans les avions, l’air est soufflé en partie haute, puis extrait à l’arrière par une vanne de maintien de pression. Imaginons que des passagers installés à l’avant de la cabine se mettent à éternuer et, ainsi, à diffuser des contaminants potentiellement contagieux. Tous ceux qui sont assis derrière eux seront mis en contact par l’air en mouvement à ses contaminants et exposés à des risques de maladie. Pour résoudre cette problématique des lieux à forte densité humaine, il est absolument nécessaire d’engager des travaux de recherche appliquée pour élaborer des « solutions-type », dont l’efficacité serait avérée. La réponse technique passe, notamment, par des flux laminaires et raisonnés comme en salle blanche. « 

Déployer les solutions qui ont fait leur preuve

Enfin et toujours dans le cadre des perspectives, il s’agirait de s’inspirer des installations exemplaires en termes d’efficacité énergétique et de qualité de l’air intérieur. A titre d’exemple :

  • En logement collectif : récupérer la chaleur sur l’air extrait de la VMC pour chauffer, avec une pompe à chaleur, l’eau destinée à un chauffage par le plancher. Les déperditions thermiques sont couvertes à concurrence de 30 à 100%. En complément, des radiateurs électriques individuels sont prévus. Ce genre d’installation est très fiable car la pompe à chaleur travaille dans des conditions stabilisées (pas de dégivrage / air extrait entre 18 et 20 °C). Le bilan est très positif : ces planchers chauffants à basse température ne font aucun bruit et leur consommation énergétique est très faible avec des COP ≥ 3.
  • En bâtiment universitaire, par exemple pour une surface de 6000 m² recevant 1.500 étudiants dans une quarantaine de salles de classe, introduire l’air neuf dans chaque classe par une climatiseur réversible, avec un débit de 45.000 m3/h. Chaque climatiseur est mis en marche par un détecteur de présence. Résultat ? 50% d’économie d’énergie et une bonne qualité de l’air intérieur pour les étudiants.

En progrès… mais peut mieux faire

« La ventilation a potentiellement un bon avenir devant elle, conclut Serge Bresin. Les solutions techniques existent pour faire la transition énergétique. Mais il faudra tout de même se mobiliser, durcir le cadre réglementaire et prévoir un programme de recherche pour solutionner le cas de lieux à forte densité humaine. »

Back To Top
Rechercher